Mon vendeur est trop souvent au bureau

S’il y a un commentaire que j’entends régulièrement de la part des dirigeants d’entreprises, c’est bien celui-ci.  La perception (réelle ou pas) du dirigeant, est que son vendeur gère sa clientèle et tente de convertir ses prospects à partir de sa boîte de courriels.  Et le vendeur de rétorquer : « Nous sommes en 2017, tout le monde fonctionne par l’électronique.  Il  n’y a pas de problème à travailler de cette façon boss, je vends de toute façon ! ».  Partant de là, quelles sont les causes (que je rencontre le plus souvent) de cette situation et quelles en sont les conséquences pour l’entreprise ?

La stagnation

Votre vendeur atteint assez régulièrement ses quotas de vente en misant principalement sur une clientèle établie.  Son T4 à la fin de l’année (salaire de base + commissions) lui procure un rythme de vie « satisfaisant ».  Dans le fond, la vie est belle.  En réalité, pour votre entreprise, pas du tout.

Pour toute entreprise, de se satisfaire de l’existant, c’est le début de la fin.  Le simple entretien à distance, de la clientèle acquise, même si les revenus générés sont intéressants, marque une coupure avec les éléments essentiels qui ne peuvent être perçus ni par courriel ni par téléphone.  Le marché change, vos compétiteurs sont affamés et courtisent directement vos clients (de leur point de vue, ce sont des prospects à conquérir) et ils vont tout faire pour créer une nouvelle relation « humaine » avec votre client.

Prenons simplement l’exemple d’un changement d’intervenant chez votre client.  Votre contact habituel a été promu ou a quitté l’entreprise.  La création d’une nouvelle relation humaine est primordiale et par son arrivée en poste, le nouveau contact dans l’entreprise évaluera les efforts que vous mettez à faire évoluer la relation d’affaires et cela pourra être l’occasion de tester le marché.  Si votre représentant n’était qu’un « preneur de commandes » et que votre compétiteur est dans une dynamique d’écoute active et de conseils prévente qui lui permet de créer une proposition de valeur innovante avec votre client, vous êtes cuit !

Que faire dans ce cas pour remettre son représentant sur le terrain ?  Une des premières choses que je regarde est le plan de rémunération.  Y retrouve-t-on des éléments motivateurs à l’acquisition de nouvelle clientèle ou au développement de vraies nouvelles affaires chez un client existant ?  Est-ce que le salaire de base est trop élevé ?  Est-ce que les commissions sur les revenus récurrents ne créent pas une « satisfaction salariale  » qui nuit à la créativité et à l’effort ?

Autre élément, celui qui était votre champion développeur d’affaires au départ s’est peut-être assis sur ses lauriers. N’est-il pas temps de revoir votre structure de vente de façon à réintroduire un vrai « hunter » dans votre équipe (Quel type de représentant avez-vous besoin, hunter ou farmer ?) pour développer une nouvelle clientèle ? Pourriez-vous « automatiser » la prise de commande de clients existants ou la confier aux ventes internes pour que le représentant qui doit être sur le terrain y soit vraiment ?  Ce ne sont là que quelles pistes de solution.  Une analyse plus en profondeur pourra certainement faire la lumière sur ce qui peut être l’élément déclencheur pour recréer l’étincelle qui va vous reconnecter avec le marché.

La démotivation

Votre vendeur atteint plus ou moins ses quotas de vente en misant encore là sur une clientèle établie.  Son T4 à la fin de l’année (salaire de base + commissions) lui procure un rythme de vie correct mais qui pourrait être mieux avec quelques efforts car un potentiel de marché reste inexploité.  Votre vendeur est plus ou moins satisfait de sa situation car il souhaiterait de meilleurs revenus mais l’offre n’est pas des plus motivantes.

Dans ce cas, l’élément à regarder est celui de l’innovation globale de l’entreprise.  Est-ce que l’entreprise est à l’affût et valide régulièrement sur le terrain les bénéfices espérés et les problèmes vécus par ses clients ?  Les bonnes idées que l’on a au bureau c’est bien.  Par contre, est-ce que nous avons une démarche concrète d’innovation, tournée vers les clients, et non pas seulement alimentée par du personnel qui ne rencontre pratiquement jamais les clients en personne ?

Rappelez-vous des premières années où vous étiez affamés et que le client était le centre de votre univers. Vous étiez à l’affût, à l’écoute et vous étiez prêt à remuer ciel et terre pour obtenir votre première commande.  C’est cette dynamique qui doit être ramenée dans votre entreprise car sans cela, vous allez gérer la décroissance et ça ce n’est pas souhaitable.

Un représentant qui a l’impression de n’avoir rien de nouveau à offrir minimisera les contacts proactifs pour ne pas perdre la face.  Un des éléments les plus importants pour un représentant, c’est sa réputation.  Celle-ci est directement liée à l’offre présente et future de la compagnie qu’il représente.  Un représentant professionnel désire s’associer à une entreprise qui lui permettra d’offrir un produit d’exception aujourd’hui et dans le futur.  N’oubliez jamais que le représentant, comme toute autre personne, a besoin d’être convaincu pour être convaincant.  Si votre offre souffre de désuétude ou si vous peinez à la livrer avec qualité (on time, on budget, on target), votre représentant ne sera pas des plus convaincant car il en va de sa réputation (c’est lui qui est au front).

Si par contre, on se sert de ses relations avec ses clients pour générer de nouvelles opportunités, grâce à une démarche d’innovation concrète, on peut aussi dans ce cas recréer l’étincelle qui va faire la différence sur le terrain.

A qui la faute maintenant ?

Loin de moi l’idée de penser que le problème du « vendeur collé à son bureau » se résume simplement à ceci.  Les situations sont parfois plus complexes et peuvent aussi relever d’un modèle d’affaires dépassé, d’outils marketing inadaptés (trop techniques), etc.  La combinaison des deux situations présentées ci-avant (stagnation + démotivation)  est aussi rencontrée assez souvent sous la forme d’une complaisance qui s’est installée au fil du temps, jusqu’à temps que le wake up call d’une baisse du chiffre d’affaires nous arrive.

Le message que je désire vous laisser est que la situation mérite peut-être un certain recul afin d’en cerner les vrais enjeux.  Avez-vous un représentant qui est dans une passe difficile de sa vie ou qui a changé ses priorités de vie et qui pourrait désirer contribuer autrement dans l’entreprise ?  Êtes-vous une entreprise qui peine à innover, qui roule sur le pilote automatique depuis trop longtemps et qui a perdu contact avec le terrain ?  Je crois d’ailleurs que le mandat de garder contact avec le marché n’est pas exclusivement réservé aux gens de vente.  Ce mandat part directement de la haute direction (CEO) qui doit mettre en place une task force agile pour rester connecté sur le marché.

Les bonnes ressources de vente sont rares et sont longues et coûteuses à former.  Avant de congédier votre représentant, que diriez-vous de vous donner une perspective élargie, et peut-être, optimiser globalement votre stratégie de commercialisation en capitalisant sur ses forces.

Bonne réflexion et bonne vente.